X

MURMURATIONS

Murmurations #1

(Le phénomène des Murmurations désigne les regroupements d’oiseaux en vol, dont les mouvements aléatoires, immédiats à l’échelle de l’individu, se propagent à l’échelle du groupe.

 

Du 23 juin au 14 août, Fræme convie quatorze entités, désignées par le terme générique de project spaces, à investir le plateau qui accueillera, à la fin de l’été, une partie de la foire Art-o-rama. Souhaitant fédérer publics et acteur.rices de l’art contemporain marseillais, l’équipe de l’association a invité celles et ceux qui, selon elleux, façonnent la scène émergente locale. Commissaires d’expositions, espaces de résidences, espaces sans lieu ou avec, galeries, festivals, structures de production, bibliothèques spécialisées : leurs identités sont multiples et leurs modes opératoires tout aussi variés. Iels travaillent seul.e, en duo, en équipe, en collectif, avec d’autres ou entre elleux.

 

Si, depuis la seconde partie des années 1990, la richesse de la vie culturelle a principalement reposé sur un maillage associatif micro-local et ultra dense, quoique largement endommagé en 2013 par l’année Capitale, la fin de la décennie semble être le théâtre d’une effervescence nouvelle. Face à des pouvoirs publics longtemps dédaigneux des arts visuels et à des institutions rarement à même de s’ouvrir à la diversité des propositions artistiques présentes sur le territoire, de nombreux espaces autogérés ont fleuri. Bénéficiant de peu de soutien financier de la part des pouvoirs publics, ce sont eux qui, pourtant, donnent à voir des formes artistiques singulières et, finalement, contribuent largement à renvoyer une image vibrante et attractive de Marseille. Émaillant les quartiers centraux de leur présence, plus ou moins visibles des habitant.es, ils sont paradoxalement souvent peu connus de celles et ceux que l’on tente de regrouper sous le nom de “grand public”. Aujourd’hui, leur présence, à la Friche de la Belle de Mai, semble attester de leur importance au sein de la vie culturelle marseillaise et de son renouvellement.

 

Invités à s’y produire, comment peuvent-ils s’approprier ce type d’espace pour donner à voir et à comprendre qui ils sont ? Doivent-ils adopter les codes des institutions de l’art contemporain – un stand, des œuvres sur ou entre 1, 2, 3 murs ? Ou les hacker pour proposer des dispositifs ouvrant des fenêtres sur des existences extérieures ? En déambulant entre les différents espaces qui leur sont alloués, lae visiteur.se découvrira la variété des réponses apportées : parfois une exposition, d’artistes marseillais.es ou pas, reprenant les modes de présentation des foires d’art contemporain, mais aussi un fond documentaire sur la gentrification, un dispositif de surveillance filmant des artistes en résidence, un index renvoyant à une bibliothèque du centre-ville, des projections de films, une boutique d’objets d’artistes ou des installations à activer lors d’événements. Cette constellation forme un ensemble fragmenté, aux propositions aussi contradictoires que complémentaires, à l’image de l’écosystème artistique marseillais.

 

Le format de l’exposition, parfois fédérateur, parfois homogénéisateur et normatif, amène de nombreuses questions – auxquelles nous pouvons toustes nous amuser à répondre et que je vous livre en guise de conclusion : Comment se fait la transition d’un lieu d’exposition, de vie et de travail, à un espace partagé qui ne leur appartient pas ? Qu’implique, pour certaines de ces entités, de délocaliser leur travail et leur force productive au sein d’une institution ? Une exposition comme celle-ci peut-elle refléter les enjeux de survie des espaces autogérés marseillais sans succomber à la romantisation de la galère et à l’esthétisation de la débrouille ?

 

 

Flora Fettah